mercredi 7 novembre 2012


Prof de sport et coach pour judokas sourds, 

Gabriel Auger a bâti sa carrière autour du handicap



Ce signe signifie « Randori », c’est-à-dire « combat d’entraînement », par opposition au combat de compétition. C’est un des signes « inventés » par Gabriel Auger.? - photo frank le roux

Ancien champion de France de judo, Gabriel Auger enseigne le sport en langue des signes et accompagne des athlètes sourds dans des compétitions internationales.
Ses lunettes foncées sont maintenues par un cordon noir qui court le long de chaque tempe avant de tomber dans la nuque. Question de confort plus que d'esthétique. Trapu, le crâne chauve, Gabriel Auger (57 ans) a le look décontract'du prof d'EPS que tout collégien rêverait d'avoir. Mais si son métier est bien d'enseigner le sport, il le fait auprès d'élèves sourds et handicapés, à l'institut pour déficients auditifs (Iresda) de Saint-Jean-de-la-Ruelle. Il est aussi le mentor des judokas malentendants de l'équipe de France.

« Devenir une référence »

Et dire que, plus jeune, Gabriel se voyait « glandeur » professionnel dans son Val-d'Oise natal ! « Au départ, je n'avais pas de choix de vie particulier », concède-t-il. « J'ai obtenu mon bac à 20 ans. J'étais un vieux routier du secondaire ! » Sourire.
« Vieux routier » au lycée, peut-être, mais pilote de Formule 1 dans un dojo, alors. Depuis qu'il a découvert le judo, à l'âge de 14 ans, l'adolescent progresse à toute vitesse. Et l'adulte d'aujourd'hui en est presque étonné. « Alors que ma scolarité était plutôt chaotique, dans le judo, j'ai décroché ma ceinture noire en moins de cinq ans. Et, à 19 ans, j'étais champion de France. » Sourire, là encore.
Dès lors, des portes s'ouvrent. Ce sont celles de la faculté d'Orléans et de sa section sportive universitaire. Mais le jeune homme préfère toujours les tatamis aux amphis. Et cette année sera, pour l'étudiant, une année aussi blanche qu'un kimono.
Gabriel Auger se décide alors à passer son brevet d'État et devient moniteur de judo. L'histoire aurait pu s'arrêter là. Mais, une chose l'a marqué, particulièrement, pendant cette formation : un module consacré au handicap. Le déclic. « J'ai tout de suite été intéressé par ce public », confie-t-il. Désormais, c'est sûr, il veut en faire son métier et décroche un mi-temps à l'Iresda.
Fini la « glandouille », bonjour la débrouille. Gabriel Auger a 22 ans et ne maîtrise pas la langue des signes. « Heureusement, l'éducation physique passe par le langage corporel, par la démonstration. » La communication s'établit, un peu. Le jeune professeur se sent, lui, « isolé ». Et, alors qu'il n'avait jamais apprécié les études, Gabriel Auger entreprend, à 40 ans, de se former. De s'armer pour ne pas « déprimer ».
Entre 1995 et 2001, il va travailler d'arrache-pied, sur son temps libre. Il se met à collectionner les diplômes (lire par ailleurs), se trace des « lignes de vie ». Il veut devenir « une référence », dans le domaine du sport adapté et dans le milieu de la surdité. À tel point que la fédération française de judo et, plus tard, la fédération handisport font appel à lui pour s'occuper de leurs judokas sourds. Son rôle : la détection, la formation, le coaching des équipes de France.

Les termes du judo codifiés en langue des signes

« À l'époque, ce handicap était très peu pris en compte. » Pour preuve, le vocabulaire spécifique au judo n'existe pas dans la langue des signes. Il faut donc l'inventer. Gabriel Auger y contribue, en lien avec des judokas. Il crée aussi des signes destinés aux arbitres. Un code aujourd'hui ancré dans les règlements nationaux et internationaux, gravé dans le dur des tatamis. Une victoire par ippon sur la différence.
Gabriel Auger a bâti une passerelle entre deux mondes, celui des valides et celui des malentendants, celui de ces sportifs de haut niveau qu'il accompagne aujourd'hui dans les plus grandes compétitions internationales. 2004, 2008, 2012 : championnats du monde. 2009 : les Deaflympics (jeux Olympiques pour les sourds). La Russie, le Venezuela, Taïwan : Gabriel Auger est tapi dans l'ombre des podiums. Une « satisfaction ». Pas d'euphorie, ni de triomphalisme pour cet homme qui place sur un même plan la performance d'un enfant polyhandicapé en cours d'EPS et l'obtention d'un titre mondial.
Gabriel Auger l'autodidacte a ainsi « trouvé sa place ». Et, s'il abandonne un jour l'une de ses activités, ce sera pour s'attaquer à d'autres signes, à un autre langage : la musique.
1955
Naissance, dans le Val-d'Oise.
1974
Devient ceinture noire de judo et décroche un titre national. Il arrêtera la compétition en 1986 sur blessure.
1977
Obtient son professorat de judo et rencontre Bernadette, sa femme, avec laquelle il a trois enfants.
De 1995 à 2001
Décroche une licence et une maîtrise de Staps, spécialité activités physiques adaptées, passe le brevet d'État handisport, le diplôme d'entraîneur d'athlétisme, le brevet national de sécurité et de sauvetage aquatique.
Marion Bonnet
Lien à cliquer : 

http://www.larep.fr/loiret/actualite/pays/orleans-metropole/2012/11/07/prof-de-sport-et-coach-pour-judokas-sourds-gabriel-auger-a-bati-sa-carriere-autour-du-handicap-1324246.html



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